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Kokuriko-Zaka Kara - 300 jours de guerre entre père et fils

Ce documentaire retrace les relations entre Miyazaki père et fils durant les 300 jours de production du film Kokuriko-Zaka Kara. Le film marque la première vraie collaboration entre Hayao Miyazaki et Gorô Miyazaki, son fils ainé. Ce dernier a débuté sa carrière de réalisateur il y a maintenant 5 ans avec Les Contes de Terremer contre l’avis de son père. Durant ces 300 jours, la production du film n’a pas été facile et il y a eu à gérer beaucoup de conflits.
Le documentaire est entrecoupé par deux parties biographiques communes du père et du fils intitulées L’histoire des deux Miyazaki et Le nouveau départ des deux Miyazaki.

Hayao Miyazaki : « Ce n’est pas la peine de créer des dessins qui n’ont pas d’âme. »
Gorô Miyazaki : « Ca me gonfle ce père de merde ! (Rire) »
Hayao Miyazaki : « Il peut arrêter la réalisation. Ce n’est peut être pas son truc après tout. »

Miyazaki-père est un cinéaste célèbre, toujours passionné par la réalisation de films d’animation. Son fils, dont le destin est d’être comparé à lui, continue à faire face aux défis. Ce documentaire retrace l’histoire d’un père et de son fils qui ont choisis le même métier et qui avancent ensemble dans le conflit.

Juillet 2010

La production de Kokuriko-Zaka Kara a commencé en juillet 2010. Gorô Miyazaki, 43 ans, est plongé dans sa préparation. Il reste moins d’un an jusqu’à la sortie du film en salles. La salle où il travaille se trouve au 2ème étage du studio Ghibli. Tous les jours, il y a beaucoup de passages, et notamment celui de son père.
Hayao Miyazaki critique un décor sur lequel travaille un collaborateur de son fils.
« Oui, il manque quelque chose. Normalement on met plus de pots. »

Hayao Miyazaki a écrit le scénario de ce nouveau film. Il passe tous les jours, tout le temps, même s’il n’y a rien qui avance.
« Tu as dessiné un énorme camion. Si tu mets ce camion, on ne voit que ca. »

Il ne s’approche pas de Gorô mais de sa collaboratrice la plus proche.
Hayao Miyazaki : « Qu’est ce que c’est ? »
La collaboratrice : « C’est du sucre en forme d’étoile. »
Hayao Miyazaki : « Tu manges çà ? J’en veux un peu. » A son fils : « Tiens ! »

Dès qu’il est sorti, Gorô commence à afficher l'E-konte (le Story Board) sur lequel il travaille.

L’E-konte est la tâche la plus importante du réalisateur. Kokuriko-Zaka Kara se déroule dans les années 60 à Yokohama. L’héroïne est Umi, une lycéenne de 17 qui a perdu son père marin. Shun et elle sont tombés amoureux dès leur rencontre. C’est une histoire d’amour pure, à une époque où les gens fondaient encore beaucoup d’espoir dans l’avenir

Les dialogues et des indications de mise en scène sont écrits sur le scénario rédigé par Hayao Miyazaki. Donner vie aux personnages est le travail du fils. Gorô a mis toutes ses forces pour diriger ce film. A l’époque, en 2006, on a beaucoup parlé de sa première réalisation, Les Contes de Terremer. Cette année là, c’est le film d’animation qui a remporté le plus de succès au Japon. Cependant, les critiques étaient assez mauvaises.

Gorô Miyazaki : « En fait, si j’ai la chance d’être réalisateur, c’est uniquement parce que je travaille au studio Ghibli. Et çà m’étonnerai que je puisse travailler à ce poste ailleurs. Ca signifie aussi que si le film est un échec, ma carrière est finie. »
Le cameraman : « Vous cachez votre E-konte ? »
- « Oui, quand je rentre, je le cache par sécurité. Je ne veux pas le montrer à mon père. »
- « Pourquoi ? »
- « S’il regarde, il va avoir envie de dire quelque chose. Pour être sur de moi-même, je dois avancer seul. »

A la même période, Hayao Miyazaki est en train de travailler en parallèle sur Pan-dane to Tamago-hime, son nouveau court métrage destiné au musée Ghibli. C’est un film un peu expérimental pour lui (NDT : c'est un film en Full Anime, c'est à dire qui nécessite 24 dessins pour 1 seconde d'animation, là où les procédés traditionnels n'en nécessitent que la moitié en doublant les dessins à la prise de vue pour obtenir les 24).
Hayao Miyazaki : « pour résumer, c’est chiant ! »
Le cameraman : « Qu’est-ce que vous pensez du film actuellement en production ? »
- « Ce sujet ne m’intéresse pas. Je ne veux pas me retrouver à la place de Nagashima et Nomura (NDT : célèbres joueurs puis entraineurs de baseball au Japon, dont les fils ont à leur tour embrassé la même carrière mais avec moins de succès). Ce n’est pas la peine de me demander ce genre de chose. »

26 juillet 2010

L'E-konte est à achevé à 50%, mais il y a un souci avec le personnage d’Umi. La jeune fille a perdu son père quand elle était petite. A cause de çà, sa personnalité à un coté un peu sombre. Gorô Miyazaki s’inquiète donc que son caractère influence le film en lui-même et qu’il devienne un peu triste.
Gorô Miyazaki : « A vrai dire, je ne comprends pas forcement ce qu’il y a profondément à l’intérieur d’Umi. »

27 juillet 2010

Hayao Miyazaki arrive dans la salle où travaille son fils.
« Bon, enlève ca. C’est le visage de quelqu’un qui pense à être disparu. Il faut dessiner des visages plus vivants ! »

Miyazaki a demandé d’enlever 3 dessins affichés sur le mur. La personnalité d'Umi est trop sombre et le film aussi par la même occasion.
Hayao Miyazaki : « Tiens cher réalisateur, est-ce que tu peux me montrer le dessin de la cuisine de la maison coquelicot ? »
Gorô Miyazaki : « Pourquoi ? »
- « Quand je dessine, j’ai besoin d’avoir une base. »
- « Tu veux redessiner la maison ? »
- « Oui, je veux dessiner l’entrée, le portail ou autour de l’entrée.»
- « C’est pas la peine de les dessiner. »
- « Je n’ai pas l’intention de te dire de changer quoi que ce soit à l’E-konte. Les trois dessins que je t’ai demandé d’enlever m’inquiète.
[...] Ce n’est pas la peine de dessiner quelque chose sans âme. »

Miyazaki est inquiet car il pense que ces dessins risquent d’influencer l'E-konte. Mais Gorô a tenu bon et ne lui a pas laissé voir le voir...
Hayao Miyazaki : « L’univers de Kokuriko-Zaka Kara n’est pas encore bien fixé dans sa tête. C’est inutile de dessiner pour rien. »

Gorô Miyazaki : « Je comprends qu’il se fasse des soucis dans ma capacité à finir de diriger le film. Mais si on me donne tout ce qu’il me faut, ce sera peut être la meilleure solution pour le film, mais ça ne voudra pas dire que je peux le faire. La personnalité un peu sombre d’Umi était mon idée. Elle a perdu son père quelle aimait quand elle était toute petite. Elle a accepté la chose mais cette disparition donne un coté un peu sombre à sa personnalité. »

28 juillet 2010

Katsuya Kondô, qui a en charge le Design des personnages, a redessiné les dessins que Hayao Miyazaki ne voulait pas voir.
Gorô Miyazaki : « Tu penses que tu as bien dessiné ca ? »
Katsuya Kondô : « C’est difficile de répondre à cette question... »

L’intervention de son père est exactement ce qui inquiétait Gorô. Il propose finalement à Kondô de reprendre les dessins une fois de plus.
Percevant la tension s’installer, le producteur Toshio Suzuki intervient. C’est finalement lui qui va vérifier l'E-konte.
Toshio Suzuki : « Je vais regarder çà ce soir. »

Le film va malgré tout être diffusé en salles et doit plaire au public. En tant que producteur en chef, il doit vérifier si le film est en bonne voie.
Toshio Suzuki : « Ce que je dois vérifier c’est si oui ou non ca ressemble à un film. L’héroïne doit être l’héroïne. Les personnages principaux doivent être des personnages principaux. Je vérifie ce genre de chose un par un. Et pour l’instant, je ne suis pas à 100 % convaincu... »

29 juillet 2010

Le lendemain, Suzuki parle avec franchise à Gorô en lui disant que si le film continue sur cette voie, le studio ne pourra pas le sortir en l’état. Il lui faut réfléchir à des personnages plus charismatiques.
Gorô Miyazaki : « C’était bien sur un choc pour moi d’entendre un avis aussi franc. Mais il a raison. Je le savais au fond de moi-même. C’est donc bénéfique qu’il me le dise maintenant. Je savais que ce n’était pas la bonne voie car je n’avais aucun plaisir à dessiner. Mais bon, ca va, je vais changer d’état d’esprit immédiatement. »

Suzuki rapporte ensuite ce qui s’est dit entre lui et Gorô à Hayao Miyazaki.
Hayao Miyazaki : « Bon, au pire, je vais rependre le projet.
[...] Ca ne va pas. Je pense qu’il du mal à comprendre des choses. Il peut arrêter la réalisation, ce n’est peut être pas son truc après tout. Ce n’est pas la même chose de le faire et d’avoir la capacité de le faire. Le travail de réalisateur n’est pas quelque chose de facile et à la portée de tout le monde. La question est de savoir s’il peut aller au delà de ses limites. Beaucoup de gens n’y arrivent pas. D’abord, s’il peut aller jusqu’au bout de ses limites et au delà, il trouvera peut être quelque chose, de bonnes choses. Mais même avec çà, la plupart des gens ne trouvent rien...
[...] Il y avait des dessins de Kondô sur le mur. Est-ce qu’il a dessiné à partir des dessins de Gorô ? »
Un collaborateur : « Oui. »
- « Ah ! C’est pour ca que c’est nul. Comment on va faire ? »

2 août 2010

Gorô Miyazaki quitte le studio et s’isole avec Katsuya Kondô dans un appartement. Ensemble, ils recommencent à réfléchir au personnage de Umi. Il serait facile de lui créer une personnalité joyeuse mais le personnage ne sera alors pas très épais. Comment peuvent-ils faire pour avoir une fille qui a du charme ?

L’histoire des deux Miyazaki

Gorô Miyazaki est née en 1967, alors que Hayao Miyazaki était encore un jeune animateur de 26 ans. Il était un père qui s’occupait bien de son enfant. Il reste encore des dessins de sa main de cette époque. Le premier mot que Gorô a prononcé était « otôsan » (papa). Il aimait dessiner tout comme son père. Plus tard, Hayao Miyazaki a avoué qu’il travaillait dans l’animation pour faire plaisir à son fils.

L’idée des deux moyens métrages Panda Petit Panda est amenée par Hayao Miyazaki pour faire plaisir à Gorô qui avait alors 5 ans à l’époque. A la fin du premier court, Papa Panda revient du travail. Le modèle pour cette scène est la station qui se trouvait juste à coté de chez eux à l’époque.
Hayao Miyazaki a ensuite continué à œuvrer dans l’animation TV pour son fils. Mais à peu prêt à la période où Gorô a été en âge d’entrer à l’école primaire, son père a commencé à être reconnu et à être débordé par son travail. Il rentrait souvent au petit matin et le temps passé avec son fils a commencé à diminuer.
Hayao Miyazaki : « Je m’excuse pour mon absence au foyer. »

Une famille sans père, Gorô se souvient clairement de cette époque.
Gorô Miyazaki : « Je ne m’attendais pas à ce qu’il me propose de faire du Catchball ou de m’emmener quelque part. Ce que je voulais, c’était juste sa présence. »

La seule chose qui se substituait à lui était les séries qu’il créait pour la télévision comme Conan, le fils du futur, sa première réalisation comme série TV ou son premier long métrage Le Château de Cagliostro, qu’il regardait avec intérêt

C’est à l’époque du lycée qu’il a envisagé de suivre les traces de son père et de travailler dans le monde de l’animation. Cependant, il ne lui en a jamais parlé. A cette époque Hayao Miyazaki avait 42 ans et il était à une période charnière de sa carrière de réalisateur.

Le Château de Cagliostro fut un échec commercial et il mit donc, par la suite, toute son énergie à développer des projets originaux. Il songeait toujours à l'éducation de ses enfants mais il devait aussi relever des défis personnels.

A la sortie de Nausicaä de la Vallée du Vent, son père est définitivement devenu un réalisateur reconnu. Mais pour Gorô, c’était aussi une période difficile à vivre pour lui. Il devenait méfiant envers les gens car il sentait que c’était son père qu’ils regardaient à travers lui.

Il a commencé peu à peu à s’éloigner de lui. A sa sortie de l’université, il a travaillé en tant que paysagiste consultant. Quand au lycée il a tout de même fait part à sa mère du souhait de travailler dans le monde l’animation, elle lui a répondu que c’était un milieu extrêmement difficile et qui demande beaucoup de talent. Il s’est donc obligé à choisir une voie qui n’était pas la même que celle de son père et la plus éloignée possible.

© Buta Connection