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3 août 2010

Gorô Miyazaki est toujours en phase de réflexion. La deadline pour redéfinir le personnage d'Umi s'achève dans 3 jours. Pour avoir du rythme, il cherche à éliminer des dessins et à réciter les dialogues plus rapidement.
Il a finalement accéléré les dialogues. Il les lis 1,3 fois plus rapidement.

4 août 2010

Le lendemain matin, un dessin de Hayao Miyazaki, mis en couleurs par un collaborateur, est arrivé. Sur celui-ci, Umi est en train de marcher à grande enjambée, le buste un peu incliné.
Une collaboratrice : « On peut imaginer ici qu’elle n’est pas forcément pressée, mais que c’est juste sa façon à elle de marcher. »

Comment donner vie aux personnages ? Comment peut-on dessiner des personnages vivants ? Ce tableau explique tout. A partir de là, tout commence à se mette en place pour Gorô Miyazaki. Le visage et les gestes d’Umi sont devenus plus gaies. Les idées affluent de plus en plus.

C'est le début du film, dans cette scène Umi se lève et descend les escaliers. Maintenant cette même scène est devenue frontale.
« Umi descend les escaliers en rythme » peut-on lire, noté sur le dessin.

Hayao Miyazaki est mis au courant de ces changements.
« Je n’ai pas l’intention d’intervenir en imposant mon savoir faire. Mais s’il y a un changement, j’en suis content. »

6 août 2010

Suzuki contrôle de nouveau l'E-konte.
Toshio Suzuki : « D’accord. On va sortir le film l’année prochaine, comme prévu. On commence les sakuga (dessins composant l’animation) en septembre. »
Hayao Miyazaki : « Oui, je pense que c’est mieux comme ca aussi. Et si Gorô pense que c’est bon aussi, alors on peut y aller. »

Juste après cette décision, Miyazaki suggère l'idée que si on ajoute plus de détails à la séquence, comme une scène de rangement de futon, ca peut la rendre plus vivante. Il incite Suzuki à aller en parler à Gorô. Dès qu'il a des idées comme celle-là, il a du mal à les garder pour lui.
Hayao Miyazaki : « Elle se lève et se change, ou alors, elle plie le futon ou se change... »

Gorô Miyazaki et Katsuya Kondô arrivent dans la salle de réunion
Toshio Suzuki, psychologue : « Est-ce que tu peux ajouter une scène de rangement de futon ? »
Gorô Miyazaki : « Non, elle ne le range pas parce que sa petite sœur dort à coté. »
- « Pour l’instant, on a juste une scène où elle descend les escaliers, c’est un peu simple. Si on ajoute quelque chose comme ca, cette scène va être plus efficace... »

Finalement Suzuki a réussi à convaincre Gorô. En aparté, il annonce la nouvelle à Hayao Miyazaki.
Toshio Suzuki : « Voilà, maintenant elle se lève et elle range le futon... »
Hayao Miyazaki : « Merci pour ton intervention. »
Miyazaki est gêné par la présence de la caméra...

A partir de cette période, Gorô a complètement changé de caractère et arrêté d'être têtu. Mais il tient quand même finir seul l'E-konte.

13 septembre 2010

Une centaine d’animateurs ont commencé le travail d’animation. 70 000 dessins seront nécessaires pour le film. Ils sont dessinés un à un. Gorô Miyazaki transmet ses idées sur la base du nouvel E-konte validé par Toshio Suzuki. En même temps, il contrôle les décors.
Néanmoins, il lui reste encore un gros travail à terminer : dessiner l'E-konte de la scène finale du film, dans laquelle l'émotion doit être à son paroxysme.
« J’ai vraiment peur. »

A la même période, Hayao Miyazaki a terminé son nouveau court métrage. Il s'attaque maintenant à un nouveau défi, la création d'un nouveau long métrage après Ponyo sur la falaise.
« Personnellement, je pense qu’il est difficile de créer un film de Fantasy actuellement. Durant les périodes où personnes ne ressent de difficultés à vivre et sans savoir que le déclin est proche (NDT : il songe peut être à la période de la bulle économique, puis à la crise économique qui a ensuite suivit au Japon). Durant ces périodes là, on peut créer de la Fantasy, comme Nausicaä. En revanche, lorsque tout le monde à conscience que rien ne va, quel genre de films peut-on créer ? Pour la Fantasy, cette période est révolue car nous sommes entrés dans une nouvelle ère. Pourtant, et même si ce ne sont pas des problèmes faciles à déterminer, je me demande ce que l’on peut créer à notre époque ? »

Le travail de réalisateur est de créer un monde merveilleux à partir de zéro. Qu'ils soient chevronnés ou débutants, ils sont obligés de se battre seul. Mais ils ont choisi ce métier...

Le nouveau départ des deux Miyazaki

Ils auraient du avoir deux chemins professionnels différents, mais en 1998 un événement en a décidé autrement. Hayao Miyazaki, 57 ans, est sur le point de créer Le voyage de Chihiro. Gorô Miyazaki, 31 ans, a déjà fait carrière dans le monde du paysagisme. Un jour, Toshio Suzuki est allé trouver Gorô en lui disant que son père voulait construire un musée pour les enfants et lui à demandé de les aider. Gorô a participé au projet en chapeautant la construction du bâtiment et du jardin en utilisant son savoir faire.

A partir de là, Suzuki a continué à l'appeler pour qu'il assiste aux réunions d'un nouveau projet de film, l'adaptation d'un roman dont il était fan, Les Contes de Terremer. A l'époque, le projet n'avançait pas. Gorô a commencé à amener ses idées en proposant ses propres dessins. Suzuki a senti quelque chose en lui et il lui a proposé le poste de réalisateur.
Toshio Suzuki : « Son point fort est d’avoir une vision en tête. Et il est capable de faire quelque chose concrètement pour réaliser cette image. Je me suis dit que s’il avait une telle capacité, il serait capable de créer un film. Réalisateur de films est un travail dont il a rêvé autrefois, quand il était jeune. Mais il savait qu’en acceptant maintenant, il y aurait aussi une souffrance. Il savait que ce n’était pas un travail qu’il pouvait faire sans expérience. Mais il a accepté quand même, en se disant juste pour une fois. »

Hayao Miyazaki était fortement opposé à cette idée.
« Le travail de réalisateur n’est pas quelque chose que tu peux faire à moitié. Est-ce que tu es prêt pour çà ? » Telle à été la question qu'il lui a posé.
Sur quoi, Gorô a remis un dessin (image centrale ci-dessus) à son père pour le convaincre. Hayao Miyazaki en a perdu la parole.

En 2005, le projet a donc démarré. Mais Hayao Miyazaki a décrété qu'il n'aiderait pas du tout son fils. Ainsi, le père et le fils ne se sont pas adressé la parole durant toute la production.
Hayao Miyazaki : « J’essaye le plus possible de ne pas m’approcher de lui. »
Le cameraman : « Pourquoi ? »
- « Si je m’approche, ca me rend désagréable. »

Son passé de paysagiste et notamment son expérience de la gestion de l'espace a beaucoup aidé Gorô Miyazaki pour son travail sur le film, mais ce n'était pas suffisant pour devenir un bon réalisateur. Il a donc redoublé d'efforts malgré la pression qu'il supportait.

9 mois après, le film était fini. Hayao Miyazaki était présent à la projection interne mais il est sorti au milieu de la projection
Hayao Miyazaki : « J’ai eu l’impression que çà faisait déjà 3 heures que j’étais assis... »

Plusieurs éléments du film font alors immédiatement penser à ceux du père. Comme cette scène qui rappelle Nausicaä de la Vallée du Vent (voir ci-dessous) ou les descriptions de vie quotidienne qui font penser à la série TV Heidi.

Hayao Miyazaki : « C’est comme si j’avais vu mes enfants » (comprendre : « des copies de mes réalisations »).

En même temps, Hayao Miyazaki a découvert comment son fils voyait ses propres travaux.

Hayao Miyazaki : « Ce que je pense du travail de mon fils ? Je trouve qu’il a travaillé vraiment sérieusement et c’est tout. Pas d’autres choses à ajouter. Personnellement, je pense que c’est un travail qui n’était pas la peine d’être réalisé. Mais pour lui, peut être que c’était indispensable... »

Le film a eu du succès en salles. Mais les critiques ont été assez mauvaises, pointant le fait que le film n'était pas à la hauteur de ceux du père.
Hayao Miyazaki pensait que son fils arrêterait là sa carrière de cinéaste, Gorô l’ayant lui-même affirmé. Mais il n’a pas arrêté. Dès la fin de la production des Contes de Terremer, il a commencé à chercher un autre sujet de film.
Gorô Miyazaki : « Si je n’avance pas, il n’y a pas d’avenir ni de passé non plus. Je suis dans une situation où je ne peux pas m’arrêter. »

Trouver un nouveau sujet de film ne fut pas évident. Il rédige et dépose des sujets mais aucun ne sont acceptés. Durant 3 ans, rien n’a avancé. A ce moment là, Miyazaki apporte le projet de Kokuriko-Zaka Kara à Toshio Suzuki. Ce dernier propose alors d’en confier la réalisation à Gorô et demande à son père d’en écrire le scenario. Contre toute attente, celui-ci ne refuse pas.

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